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De Grenoble à Gaza

L'info Palestine vue de Grenoble

Noël en Palestine : la colonisation de Jérusalem

21 décembre

 

Ce matin, nous avons retrouvé les personnes de notre groupe dans un couvent à l'extérieur de la vieille ville. C'est là que nous logerons pour les trois prochaines nuits. Beaucoup de participants sont épuisés après une ou plusieurs nuits dans les aéroports à cause des retards dus aux récentes chutes de neige. A cause surtout du stress du passage de la douane, que certains ont durement éprouvé moyennant 7h d'interrogatoire (profil arabe oblige ). Olivia Zemor, Présidente d'Europalestine et coordinatrice du voyage au niveau français, a été arrêtée à la douane et expulsée en France après de longues heures en détention (lire son récit complet). Ce soir, plusieurs autres ne sont pas encore arrivés comme prévu et nous croisons les doigts pour qu'ils n'aient pas été refoulés. Une autre amie de Grenoble nous a rejoint, après avoir elle aussi subi un bon interrogatoire et l'obligation de signer une déclaration certifiant qu'elle ne se rendrait pas dans les Territoires occupés. Pour nous tous, mentir est difficile et renverse les rôles. Nous devenons des personnes qui ont quelque chose a cacher, alors que le droit est de notre côté, l'occupation des territoires étant illégale au regard du droit international.

 

Aujourd'hui, nous avons visité différents quartiers de Jérusalem en compagnie de Jeff Halper, directeur et fondateur de l'ICAHD (Israeli committee against house demolitions), une organisation israélienne créée en 1997 pour résister à l'expulsion des Palestiniens et à la destruction de leurs maisons. Avec l'aide de nombreux volontaires israéliens, palestiniens et internationaux venus des quatre coins du monde, ICAHD aide à rebâtir des maisons détruites par les bulldozers israéliens. « Il ne s'agit pas de notre part de faire une action humanitaire mais un acte politique », insiste Jeff Halper. Dans le quartier d'Anata, situé à quelques kilomètres de Jérusalem et encerclé par le mur, nous visitons la maison de la famille Shawamreh, détruite à quatre reprises entre 1998 et 2003. Baptisée « Centre de paix », elle est aujourd'hui devenue un lieu d'accueil pour les visiteurs étrangers. Salim, le père de famille, nous raconte son parcours kafkaïen pour tenter d'obtenir un permis de construire, systématiquement refusé aux Palestiniens pour des raisons toutes aussi absurdes les unes que les autres. Au final, les Palestiniens doivent se résoudre à quitter leur terre, ou à construire en enfreignant la loi israélienne. Aujourd'hui, plus de 15 000 maisons à Jérusalem ont reçu un ordre de démolition, faisant peser une véritable épée de Damoclès sur des milliers de familles palestiniennes. Les enfants et la femme de Salim ont été traumatisés par les démolitions successives de leur maison, accomplies dans la violence.

 

Nous rencontrons les Palestiniens du « Bustan Committee » dans le quartier arabe de Silwan, dans la partie est de Jérusalem. Ils nous reçoivent sous une tente, menacée de destruction. Eux aussi résistent au quotidien contre la réquisition de leurs maisons. Une soixantaine est déjà passée aux mains des colons, et 88 sont sous le coup d'un ordre de démolition. A l'oeil, une implantation de colons se reconnaît à son drapeau israélien planté au-dessus de l'habitat, et aux boîtes aux lettres devant la maison.  Le prétexte religieux (il y a 2000 ans, cette terre appartenait aux juifs et leur revient) est utilisé à des fins politiques : l'expansion du territoire de l'Etat hébreux. Les Palestiniens de Silwan, dont certains sont là depuis de multiples générations, ont proposé à la municipalité de Jérusalem de créer un jardin autour de leurs maisons, dans lequel les Juifs pourraient venir se promener sur ce lieu chargé de sens. « La municipalité a refusé toutes nos offres », raconte l'un d'eux. « Ce qu'elle veut, c'est que nous quittions les lieux ». Régulièrement, des enfants et adolescents palestiniens sont enfermés, parfois plusieurs mois, pour avoir jeté des cailloux. « Nous avons préparé des chaînes pour nous attacher à nos maisons s'il le faut, et même nos linceuls », conclut l'un d'eux.

Silwan.jpgMonseigneur Jacques Gaillot, en compagnie des membres du Comité de Bustan, dans le quartier de Silwan


Manif.jpg       Manif avec les habitants de Silwan, pour protester contre les expulsions de Palestiniens

 

Le refus de tout permis de construire aux Palestiniens entraîne une baisse du nombre de logement disponibles, beaucoup craignant de voir leur maison démolie avant même d'avoir pu y vivre. La pression foncière fait donc monter les prix et oblige de nombreux Palestiniens à quitter Jérusalem pour aller se loger plus loin en périphérie. « Lorsqu'un Palestinien quitte la ville, il perd automatiquement son statut de résident israélien et ne peut plus revenir y vivre ni même y travailler », explique Jeff Halper. C'est une technique de plus pour éloigner les Palestiniens de Jérusalem.

 

Nous faisons une halte au pied du mur dans le quartier arabe de Jérusalem est. Ici, le mur montre son absurdité dans toute sa splendeur. Il ne sépare pas les Israéliens des Palestiniens mais séparent les Palestiniens entre eux, contribuant à leur isolement. « Les raisons sécuritaires pour la construction de ce mur sont un prétexte », explique Jeff Halper. « Sa véritable raison d'être est l'annexion continue de terres palestiniennes ». Nous découvrons aussi un nouveau type de mur qui sépare une route en deux dans sa longueur. Les Israéliens roulent d'un côté de ce mur, les Arabes de l'autre. « Même les Sud-africains n'avaient pas pensé à séparer les conducteurs », ironise Jeff Halper. Ce mur n'existait pas lors de mon voyage en août 2009, il vient de sortir de terre.

mur.jpg                                                        Au pied du mur, divisant un quartier palestinien

 

Nous faisons un petit tour dans la vaste colonie de Maale Adumin, située en Cisjordanie non loin de Jérusalem. Son extension en direction de Jérusalem va sectionner encore davantage ce qu'il reste des Territoires palestiniens. Tout alentour est désertique, mais ici, tout est vert et fleuri ; il y a quatre piscines de taille olympique et un parc aquatique est en construction. Il sera baptisé « Parc de France », en remerciement à ses financeurs français. A quelques kilomètres de là, les Palestiniens sont rationnés en eau, sur leur propre territoire. « La plupart des Israéliens vivant ici n'ont pas conscience d'être des colons », explique Jeff Helper. Le gouvernement les a encouragés à s'y installer à coup de fortes aides financières. A la différence des colons extrémistes d'Hébron, motivés par des considérations idéologiques et religieuses, ceux-là recherchent juste un meilleur cadre de vie ». Ainsi progresse la colonisation. Jeff nous explique que les mots « colons », « colonies » ou « occupation » ne font pas partie du vocabulaire hébreux. On parle de « résidents des communautés de Judée et Samarie ». On mentionne aussi des voisins « arabes », perçus comme une menace, mais en aucun cas des « Palestiniens ». Les nommer, c'est reconnaître leur existence...

 

 

 

 

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